Hot Society
Hot Society est vraiment conçu pour être regardé depuis un siège confortable dans une salle de cinéma, si par hasard vous le regardez sur l'écran de votre ordinateur, veuillez garder à l'esprit que la vocation du film est d'être projeté et que vous ratez certainement quelque chose.
Hot Society revisite l'histoire des Etats-Unis sous une forme orale et visuelle, en traversant le pays d’Est en Ouest le long du 36ème parallèle. En roulant en voiture à la vitesse maximale autorisée (55 m/h soit environ 90 km/h) on parcourt 1 degré de longitude par heure, donc 1 minute par minute. Il s'avère qu'à cette latitude nous trouvons une histoire raccourcie, peut-être sélective, partant de la première colonie (perdue) anglaise et arrivant à Hearst Castle, modèle de Xanadu dans Citizen Kane.
Cet essai tente de montrer comment les sociétés s'organisent et se désorganisent, confrontées au problème constant de tout mythe, et de tout documentaire : la définition même du Réel. La traversée le long du 36ème parallèle touche une variété de lieux “ mythiques ” de l’Amérique, Nashville ou Las Vegas, le Grand Canyon ou Death Valley, Route 66 ou Los Alamos. Tous les lieux traversés ne prêtent pas à une codification générique spécifique, mais ceux qui ont contribué aux mythologies du XXème siècle le font toujours. J’inclus dans les mythologies du XXème siècle celles, comme la conquête de l’Ouest, qui doivent leur palpabilité à des formes hollywoodiennes ou télévisuelles.
L’ensemble de la traversée est donc un champ de recherche de communication, de transmission de l’histoire et de sa reconstitution en mythe ; la durée est une période de récolte de données pour une analyse entropique.
Une des questions posée par le projet est de savoir quels sont les liens entre le lieu fabricant de mythe, son histoire et la multiplication de relectures de cette histoire pour en faire un mythe. Est-ce que les relectures « dures », sur support papier, film ou télévision sont celles qui amènent le plus rapidement la perte du « réel » et la construction de mythes ; ou bien est-ce l’histoire orale qui se transforme au gré des répétitions ?
Les participants formulent de façon anecdotique et narrative la vérité l’historique (et donc politique) qui leur importe et la manière dont elle est vécue maintenant.
L’idée centrale dans l’écriture et la réalisation de Hot Society* était de traiter des carences d’information, les trous de compréhension, qui forment la construction d’une mythologie, d’un mythe globalisant de ce que sont les Etats-Unis d’Amérique. D’un point de vue cynique, l’histoire est une suite d’événements qui se lient rétrospectivement, mais ce cynisme se révèle juste au travers des interviews qui alimentent le film.
Les gardiens des histoires étaient conscients de cette manipulation, mais l’acceptaient comme lieu commun en même temps qu’ils pouvaient le réfuter par leur parole. Une des questions posées par le projet de Hot Society est de savoir quels sont les liens entre le lieu fabricant de mythe, son histoire et la multiplication de relectures de cette histoire pour en faire un mythe. Est-ce que les relectures dures, sur support papier, film ou télévision, sont celles qui amènent le plus rapidement la perte du « réel » et la construction de mythes ; ou est-ce l’histoire orale qui se transforme au gré des répétitions ?
Autrement, le film se réfère aux sciences et leur rôle dans chaque aspect du mouvement vers l’Ouest et sa nécessité guerrière. La tentative de faire un film linéaire est contrée par l’état de la pensée scientifique et ses constats de l’aspect non-linéaire de l’observation et de la matière. Le champ des études non linéaires se fonde, dans son ensemble, sur la théorie de l’information, telle qu’elle fut élaborée par Claude Shannon en 1948 pour montrer la possibilité de transmettre de l’information au travers d’un « corridor de bruit » et de pouvoir la restituer à la sortie. L’ensemble des méthodes de la compression en informatique (et donc l’utilisation de l’entropie signalétique) utilise les principes de base de Shannon, notamment son constat d’un a priori étonnant par sa simplicité : les informations, qu’elles soient des données, du son, de l’image, etc., n’ont pas de qualité propre, elles peuvent toutes être transmises par un code binaire, un langage de zéros et de uns. Comme dans le montage de Hot Society.
Hot Society débute avec un surplus d’informations de toutes sortes, orales et visuelles, temporelles et écrites et le parcours structurel du film décante ces éléments disparates dans un corridor de plus en plus serré. Le sens du film doit, donc, saisir le spectateur assez loin dans le film, au moment où un ensemble de pièces suffisamment élaboré a été assimilé. Le traitement du temps s’organise selon les modes de transmission d’information, le son de la parole est incompressible, mais il est possible de le couper, cet aspect « coupable » est utilisé pour semer mes doutes sur la véracité de propos tenus (ils sont tous tenus formellement, chaque personne est en en représentation devant la caméra).
Dans le cadre des recherches que je mène sur les liens entre codes (que ce soit genre cinématographique, mythologie ou codec), j’ai pris connaissance d’un argument, une sorte de faille mathématique, qualifié de Stochastic Travelling Salesman Problem et émanant de The Institute for Non Linear Studies à Los Alamos. Celui-ci essaie de trouver une formule pour un problème qui semble simple : comment calculer la distance minimale que peut parcourir un VRP, afin de voir la totalité de ses clients dans x villes ? Le problème, plutôt que sa réponse, est notre paradigme. Pour résoudre le problème, il faut définir les dimensions à prendre en compte, terrestres, bien sûr, mais aussi temporelles et relatives. Ensuite, pour élaborer une formule, on ne peut définir une limite au nombre de dimensions. Nous devons, finalement, trouver une probabilité pour une question à laquelle Euclide avait une réponse exacte. L’intervention tout au long du film d’un scientifique français, Oliver Martin, (qui s’approche à la résolution du Problème du VRP Stochastique, en collaboration avec Allon Percus de The Institute for Non Linear Studies), rend le rapport des sciences et lieux ainsi que les sciences et l’objet filmique compréhensible.
L’ensemble de la traversée est donc un champ de recherche de communication, de transmission de l’histoire et de sa reconstitution en mythe ; la durée est une période de récolte de données pour une analyse entropique.
*Le terme « société chaude » fait référence à l'intérêt porté à l'entropie par Claude Lévi-Strauss, et sa division du monde en sociétés froides : celles qui sont soit non-industrialisées, soit statiques, où la quasi-totalité de la population est impliquée dans le quotidien de cette société ; et sociétés chaudes : celles qui fonctionnent avec un surcroît d'efficacité visible en termes d'industrie et de production, mais aussi en termes de déchets, à la fois déchet matériel et déchet humain.
Les films et vidéos sont en ligne sur ce site, mais également disponibles en copies de projection.
Si vous avez un lecteur DV ou HDV, un projecteur vidéo ou 16 mm et une salle confortable, vous pouvez rassembler une petite foule afin d'en partager les frais et les louer dans leur format d'origine. Pour ainsi faire, contactez moi, ICI en indiquant le ou les titres des films ou des vidéos qui vous intéressent, la date et le lieu de la projection, l'adresse d'expédition et le ou les formats dans lequel vous pouvez projeter. Ceci n'est pas très difficile, je le fais tout le temps pour les films qui me semble importants ou qui m'intriguent. Vous pouvez lire les notes de programmes pour ces séances dans Textes ou sur le site de Work in Progress.